#ParoledInfluenceur avec Aurélie Siou

Tribune d'Aurélie Siou, Responsable Influence, Communication and Engagement de Cision France, parue sur le blog Culture RP le 5 juillet dernier.

"L’influence c’est un peu comme le dérèglement climatique, il y a urgence ! Urgence à éveiller les consciences. Les jeunes en particulier ! Attention j’ouvre la boîte de pandore !"

"UPDATE DU 08/09/2022"

Rejoignez nous lundi 12/09/2022 à 21h sur le Twitter Spaces du Collectif d'aide aux victimes d'influenceurs pour le débrief de l'emission "Complément d'Enquête" diffusée dimanche 11 septembre à 22h40 sur France 2.

Cette émission sera co-animée par le Collectif AVI et Aurélie Siou, responsable influence & communication de Cision France et accueillera de multiples intervenants. Des journalistes, politiques et lanceurs d’alerte comme @Audreylunique, @SignalArnaques, @kamilabderrahmn y ont été conviés.

Notre combat? Faire émerger le vrai visage de l'influence et lutter contre la "fake influence" systématiquement mise en avant dans les médias. Cision France est particulièrement engagé dans l'Education aux Médias et à l'Information - EMI. L'information est notre cœur de métier, notre ADN. Il est de notre devoir d'alerter les jeunes générations sur les dangers et les dérives de l'influence sur les réseaux sociaux qui ne sont pas armés pour y faire face.

Le Collectif AVI est lanceur d'alertes, il accompagne et assiste les victimes d'influenceurs, fédère les experts de l'influence et a fait de la prévention auprès des jeunes son cheval de bataille !

 

 
 

 

 

Désacralisée et déshumanisée l’influence elle l’est, et de la pire des façons !

La vertu de l’influence est depuis des années ignorée et méprisée. Et soyons francs, l’influence n’est vraiment pas à mettre entre toutes les mains !

Nous sommes rentrés dans l’ère de la déshumanisation de l’influence. Des dérives incessantes du consumérisme partout et tout le temps.

L’auto-promotion de la jeunesse sur les réseaux sociaux dans une posture désincarnée, à gros coup de représentation sans éthique ni responsabilité de produits sponsorisés et qui coûte les yeux de la tête aux marques me désole au plus haut point. De l’ostentatoire porté à l’excès pour ces femmes et ces hommes sandwich dont les pratiques sont de plus en plus dénoncées.

Un trop grand nombre d’entre eux qui se vantent d’influencer à tout va sur Twitter, LinkedIn, et Instagram négativement la plupart du temps. J’entends par là que leur passe-temps préféré consiste à « faire du buzz pour du buzz » en dénonçant, en fustigeant, en insultant et allant à l’affrontement systématique. Prétextant avoir de grosses communautés, ils se croient tout permis. De l’écho ils en ont peut-être mais auprès de qui et de quelle communauté ?

 

L’influence semble souffrir des mêmes maux que la politique depuis quelques années…

Et c’est l’intervention de Caroline Fourest invitée par Laurent Delahousse dans 20h30 le dimanche sur France 2 en décembre 2021 qui a éveillé chez moi cette triste constatation. Car si « les démocraties sont parasitées par un grand bavardage, celui des réseaux sociaux » selon les dires de Caroline Fourest, le rapprochement avec le concept de l’influence et plus particulièrement d’influenceur souffre des mêmes « mots »/maux.

Je me contenterai donc ici de citer les propos particulièrement justes de Caroline Fourest :

  • « La simplification voyage plus vite que la complexité. »
  • « L’interactivité est une forme d’intimidation. Quand on se mesure au nombre de « likes » ce n’est pas juste dégradant pour l’humain mais pour tout le débat public. »
  • « Ce pour lequel on a le moins de temps c’est d’expliquer ce qui se fait de bien dans ce monde. »
  • « Les grands brailleurs sont rarement de bon faiseurs. »

L’influence est avant tout une forme unique d’évangélisation non contrainte, portée et délivrée par celles et ceux qui font bouger les lignes, qui font avancer positivement notre société et qui innovent.

Une stratégie d’influence c’est avant tout une stratégie de communication destinée à des parties prenantes identifiées en amont afin de faire résonner un message qualitatif, éthique, authentique, transparent.

 

L’influence c’est incarner positivement, l’influence c’est communiquer positivement.

On est influent quand les autres parlent de vous en bien, voire parlent mieux de vous que vous même. Pas le contraire !

Je me désespère de constater encore et toujours lorsque j’interviens en écoles de commerce, l’absence de maitrise des apprenants sur ce thème. Je m’explique… Lorsque l’on demande aux étudiants de travailler sur la stratégie d’influence d’une marque/d’une entreprise, le seul et unique outil de déploiement de la stratégie s’avère être Instagram. En d’en découler des exemples très concrets d’influenceurs « lifestyle » ou issus de la télé-réalité qui pour donner suite à la sollicitation des étudiants leur répondent qu’il faut payer (cher) pour engager un partenariat car c’est en substance leur fond de commerce.

Quid de l’influence et des grandes figures de l’influence Corporate ? Des grands patrons, entrepreneurs, dirigeants, « magic-middle » qui incarnent une France dynamique, attractive, innovante ? Totalement inconnus au bataillon !

Je ne peux me résoudre à ce qui semble devenir une fatalité. A l’heure où la génération Z bouleverse tous les schémas établis et crie haut et fort son engagement pour un futur plus responsable et plus durable, je ne peux que continuer à leur transmettre ce que je sais.

Les « bons faiseurs » sont nombreux mais souffrent dans le cadre des programmes de l’enseignement supérieur d’un déficit de notoriété.

 

Il y a 2 types d’ « influence », commençons par-là !

Oui, il y a deux influences ! Comme il y a deux France et deux Amérique.

Demandez à n’importe quel expert dans son domaine, il vous dira qu’être un influenceur est devenu un gros mot, voire une insulte ! Leader d’influence, influenceur d’expertise, d’exemplarité, d’autorité, de responsabilité, influenceur sectoriel, expert dans son domaine, thought leader, leader d’opinion, mais influenceur tout court non ! Pas tant que la sémantique de ce terme n’aura été encadrée correctement.

Le temps n’est-il pas venu de faire la différence entre un influenceur professionnel et ce que j’appelle un influenceur produit ?! Appelons un chat un chat. Ils ne sont ni plus ni moins que des égéries, des ambassadeurs de marque ou des stars de la téléréalité.

Le temps n’est-il pas venu de faire la différence entre l’influence organique, naturelle d’un coté, celle que l’on diffuse en earned et owned media, et de l’autre l’influence monétisée, que l’on achète, diffusée en paid media ?

Autre question de taille, tous les influenceurs se valent-ils ? C’est l’excellente question posée par Olivier Cimelière dans ce non moins prodigieux billet « Influenceur, influenceur, est-ce que j’ai une gueule d’influenceur ? Mythes et réalités » sur le Blog du Communicant » . Quant aux nouvelles métriques de l’influence, personnellement elles ne me parlent pas du tout. Macro, micro, nano influenceurs, pourquoi pas « particule d’influenceur » pendant qu’on y est ?!

 

La nouvelle pyramide de l’influence :

 

 

 

 

 

 

 

Attendez, ce n’est pas tout ! Nous sommes rentrés dans l’ère de l’influence vulgarisée et vulgaire tout court, l’ère du growth hacking à tout va et de la vulgarité portée en étendard !

Une nouvelle technique marketing dite de « growth hacking » pour notamment « hacker l’algorithme » de LinkedIn émerge ces dernières années dans le but de faire exploser les chiffres et de performer. C’est en substance ce que pratique le désormais renommé Grégoire Gambatto. Si on parle chiffres il y a de quoi être impressionné en effet. 22 millions de vues pour 180 000 likes et plus de 45 000 commentaires en 2021 sur son compte LinkedIn. Certes, il peut se vanter d’une réaction du ministre de l’Économie Bruno Lemaire en commentaire de l’une de ses publications. C’est le graal !

Néanmoins, attention à ce type de technique clivante. Grégoire assume d’être « l’homme que vous allez détester sur LinkedIn » et recommande aussi parfois d’avoir une attitude borderline pour amener les utilisateurs à se positionner en donnant leur avis en commentaires.

A mon sens, l’influence est un pari sur la qualité et non la quantité. J’ajouterais que pour moi l’influence c’est la classe incarnée. Attention, je ne dis pas que les publications de Grégoire sont dépossédées de qualité. Je ne dis pas non plus que je ne le considère pas comme un influenceur. Loin de là. Il raconte sa vie d’entrepreneur, parle de sujets avec humour. Il lui arrive aussi de tester des accroches en tweet utilisant Twitter comme antichambre et de les publier sur LinkedIn si cela fonctionne bien, comme précisé sur Isarta.infos.

Je me suis bien abonnée au compte de Grégoire sur LinkedIn pendant 1h chrono. Puis j’ai « unfollow ». Pourquoi ? Parce que le marketing a ses limites et que je trouve la posture sacrificielle. Après avoir lu 5 de ses publications je ne vois plus l’humain tellement le message est formaté ! Et que je préfère de loin enseigner la notion d’exemplarité en influence digitale !

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Le cas Magali Berdah

Petit retour en arrière…

Fut un temps où mon nom apparaissait aux cotés de grands spécialistes des Etats Unis. En 2010 notamment lors de mon interview avec Aude Mazoué sur France 24 intitulée « Le brulot anti-Obama, un succès surprise au box-office américain ». Depuis pourtant je n’ai pas changé. L’influence elle a changé. Je découvre ces jours-ci les revues de presse de magazines référents en marketing qui font dangereusement flirter mon nom avec celui de Magali Berdah. Et là je suis obligée de dire stop !

Magali Berdah donc, avec qui j’ai eu quelques échanges sur Twitter sur la notion même de l’influence. Fameuse patronne de l’agence Shauna Events » et chroniqueuse de Cyril Hanouna dans « touche pas à mon poste », ben oui forcément, l’un ne va pas sans l’autre. Et qui revendique haut et fort que ses interventions sont « d’utilité publique » (sic). D’utilité publique donc ?! On marche sur la tête! Il suffit d’aller consulter son compte Instagram ! Ou l’apologie de l’entre-soi poussé à l’extrême et de l’égo roi !

Son compte LinkedIn on en parle ? Et bien non car elle n’en a pas ! Et qu’elle arrête de faire croire aux adolescents qu’il suffit de claquer des doigts pour devenir influenceur ! A moins que leur rêve à tous soit de s’installer à Dubaï ! Et croyez-moi ce n’est pas exactement l’ambition de nos futurs leaders d’opinion.

 

Décryptage…

Attention, pépite ici sur sa définition d’un « influenceur » !

« C’est une personne qui a une communauté sur les réseaux sociaux, engagée, qui s’intéresse à sa vie, qui le suit pour sa personnalité, sa manière de s’exprimer. On devient influenceur quand les gens commencent à s’inspirer de nous. » *

On sort le champagne ?!

Peut-être faudrait-il Chère Magali commencer par revoir votre maitrise de la langue française parce que sur Twitter ce n’est pas joli, joli. Peut-être faudrait-il aussi coacher vos stars sur la manière de parler la langue de Molière et pendant qu’on y est leur demander de se rhabiller sur les réseaux sociaux.

Cette notion d’influence dépourvue de légitimité et de crédibilité, d’authenticité aussi et uniquement fondée sur la visibilité me parait complètement hors norme, hors sujet, hors champ, pitié hors de ma vue ! Je ne m’attarderais pas sur la notion d’exemplarité non plus… Un concept qui lui est totalement méconnu.

 

Magali Berdah, femme d’influence **

Attention, titre trompeur ! Je lis les premières lignes et je ris…

« L’agente des stars de la télé-réalité, en quête de légitimité, interviewe des candidats à l’élection présidentielle.

Magali Berdah a le débit mitraillette d’un Rambo siliconé lancé à toute vitesse dans la jungle des polémiques. Après deux heures passées avec elle dans ses bureaux du VIIIe arrondissement à Paris, on en ressort les oreilles confites par le bruit des perceuses dans l’immeuble d’à côté, le nez enrubanné par le fort parfum qui embaume les pièces et la certitude d’avoir rencontré un personnage de roman, à la fois à l’eau de rose et au savon noir, où paillettes et truanderies font la bringue. »

Préambule au combat !

 

Il y a urgence à rassembler l’ensemble des acteurs de cette profession…

Annonceurs, RP, journalistes, agences, communicants et toutes celles et ceux qui font l’influence d’aujourd’hui ! Je lance un plaidoyer pour mutualiser la responsabilité, les initiatives, les contributions et les avancées de la profession !

Influence, influenceurs l’éternel débat… Souvenez-vous juste de cette question.

Êtes-vous un influenceur ou une personne influente ? Car au final l’influence que vous exercez est intimement liée à l’image que vous renvoyez de vous-même et de votre marque !

 

Étude de cas : Les Macron, l’influence et encore Magali Berdah (sic again).

Il y a eu deux actes dans l’usage du marketing d’influence par l’exécutif français en 2021 et 2022. Je résumerais ces deux exercices en une phrase : « Ou l’influence en quête de sa raison d’être ».

Acte 1 :

 

 

Suite au défi lancé par le Président de la République aux Youtubeurs McFly & Carlito d’engendrer 10 millions de vues pour réexpliquer les gestes barrières à notre jeunesse, promesse a été faite qu’ils seraient reçus à l’Élysée pour tourner leur concours d’anecdotes. Pari remporté et diffusion sur YouTube cette semaine…

Depuis 2 clans s’affrontent. D’un côté ceux qui clament au « triomphe de la médiocrité » de cet exercice de « communication politique ». De l’autre, ceux qui saluent « une prestation exceptionnelle et tire leur chapeau à la team com numérique de l’Élysée ».

Ce constat étant fait, loin de moi l’idée de prendre parti. Je ne suis pas là pour ça. Parlons donc d’influence. Pourquoi un tel manque de substance ? Sur le fond comme sur la forme ? Pourquoi autant de pitreries alors que l’intention était honorable au départ et l’occasion si belle d’adresser des sujets de fond en cette période de crise sanitaire ou la jeunesse subit la précarité de plein fouet ?!


 

Acte 2 :

Magali Berdah appelée « à la rescousse » par Emmanuel et Brigitte Macron pour sensibiliser la jeunesse sur les risques de la crise sanitaire ! Puis interviewant Brigitte Macron. Vous n’avez trouvé personne d’autre vraiment ?!

Du coup elle se dit qu’elle va aller interviewer les candidats à la présidentielle et diffuser les entretiens sur sa chaine Youtube.

« De la promotion de crèmes amincissantes douteuses à un candidat d’extrême droite, il n’y a qu’un pas. Dimanche 23 janvier, Magali Berdah, bien connue pour Shauna Events, son agence d’influenceuses issues de la téléréalité, a diffusé le premier épisode d’une nouvelle série de vidéos.

Au bout de deux minutes de vidéo, elle confie à Samuel Lafont (le monsieur numérique de Zemmour) qu’elle se verrait bien « ministre des réseaux sociaux » dans un gouvernement hypothétique avec Stanislas Rigault (président de Génération Z) en Premier ministre. Le ton donne à plein régime dans la connivence. L’interview avec Éric Zemmour se déroule sans rencontrer la moindre contradiction. » ***

 

 

* Magali Berdah : «J’ai tout appris des réseaux sociaux en trois ans» – Stratégies (strategies.fr)
** https://www.liberation.fr/politique/elections/magali-berdah-femme-dinfluence-20220209_3JZAXWPBIJGVJIERSXTE6SOMMM/
*** Magali Berdah offre un reportage complaisant à Éric Zemmour (ladn.eu)